Wagon conservé au camp de Neuengamme
36847 Mle de G. Curial
« Le convoi, après un long arrêt à Hambourg, avait enfin atteint son terme. Par les vasistas, nous apercevions, dans une grande plaine morne et venteuse, le dos des baraquements verts déteints mais bien alignés. […] Nous apprîmes seulement que ce lieu sinistre s’appelait Neuengamme. Après une attente de quelques heures, les portes des wagons glissèrent enfin. Des SS alignés nous attendaient, la schlague au point. A peine avions-nous sauté, tous engourdis par une immobilité de trois jours, il nous fallait courir, sous une rouée de coups. Malheur à ceux qui tombaient.
La route paraissait longue ; la cour, derrière les barbelés – l’Appelplatz -(place d’appel), immense ; nous la traversâmes au pas de course, jusqu’à un bâtiment de briques, à son extrémité, où l’on nous engouffra dans des caves. »
Louis Martin-Chauffier, L’Homme et la bête, Gallimard, Paris, 1947.
« Par petits groupes, nous entrons ensuite au local des douches : il faut d’abord déposer, dans un sachet de papier fort, ses bijoux, son alliance, sa montre, son portefeuille, ses valeurs, en un mot tous ses objets précieux. En échange, on passe à notre cou, suspendu par une cordelette, un petit rectangle de métal, où est gravé un numéro matricule qui servira désormais d’état-civil ; le même numéro est porté sur un sachet où gisent pêle-mêle, lambeaux arrachés à notre cœur, les doux souvenirs d’une femme aimée et les témoignages de notre vie d’hommes libres. »
Docteur Paul LOHEAC, Un médecin français en déportation, Les Presses Arc-en-ciel, 56110 Gourin, 1988.
« Dirigés sur un vaste bâtiment neuf, on nous fait descendre dans les sous-sols. Une longue attente dans les caves immenses, puis la toilette des bagnards commence. Voici une armée de coiffeurs. Nos cheveux sont tondus à ras. Ensuite, par groupe nous passons à la douche. Au préalable, on nous a rasé tout le corps, dépouillés de tous nos vêtements et de tout ce qui pouvait représenter une valeur : argent, bagues, bijoux, etc. En échange on nous revêt de piteux habits et de coiffures disparates. […] Nous sommes ainsi tellement transformés que nous avons peine à nous reconnaître. A la fin de toutes ces opérations, il est environ 1 heure du matin. Nous sommes affectés dans des « Blocks » où l’on nous distribue un morceau de pain et de pâté. Notre première journée à Neuengamme est terminée. »
René BAUMER, La misère aux yeux de fou, BGA Permezel, Lyon, 2004.
« A l’arrivée, les SS nous ordonnent de descendre, avec hurlements et aboiements de chiens, et, dans une cavalcade folle, nous atteignons la place d’appel pour recevoir notre immatriculation (Mle 39788) et des hardes misérables, puis c’est la douche et le rasage intégral sur tout le corps et la tête.
A la vue d’êtres humains décharnés et en guenilles, nous comprenons que l’enfer commence ici. C’est la déhumanisation de l’homme. […]
Après quelques jours, nous perdons totalement la notion des jours et des dates, seuls comptent le jour et la nuit. »
Témoignage de Jean Mével, arrêté et déporté à 15 ans et demi, après une rafle.