Après le séjour de quarantaine au Camp central de Neuengamme, Yves Hamon est affecté au Kommando de Watenstedt, dans la région de Salzgitter – Braunschweig
« A notre arrivée, il fallut organiser le Kommando sans activités depuis un certain temps déjà. La schlague a bien fonctionné pendant la période d’organisation du Kommando.
Puis ce fut le travail aux Aciéries Hermann Goering, qui fabriquaient pour la Wehrmacht des V1 et V2..
Je fus affecté aux tours chargés de former les têtes d’ogives d’obus, que nous fabriquions aussi. Dès qu’un outil se cassait, premier avertissement : 10 coups de schlague. Si vous aviez le malheur d’en casser un deuxième : 20 coups de schlague. Enfin, le troisième c’était la pendaison pour sabotage.
Si bien que nos effectifs se réduisaient comme peau de chagrin. Nous avons reçu un nouvel arrivage de prisonniers. […]
Chaque jour nous partions en colonnes pour travailler à l’aciérie H. Goering, encadrés par les SS. L’un d’entre eux était particulirement violent (nous l’avions baptisé Fernandel à cause de sa dentition chevaline). Cet énergumène s’amusait lorsque, par exemple, la colonne rentrait au camp, à interpeller un prisonnier pour qu’il donne son numéro en allemand, puis il lui parlait en allemand. Le prisonnier ne connaissant pas la langue ne pouvait lui répondre, alors « Fernandel » sortait son parabellum et le tuait froidement. Deux camarades étaient chargés de ramener le mort jusqu’au camp où le rapport portait : « tentative d’évasion », et cela se passait plusieurs fois par semaine.
[…]
Un dimanche matin, nous sommes appelés sur la place [d’appel] afin d’assister à la pendaison d’un camarade : le capitaine de corvette Clair. Les SS poussèrent le cynisme jusqu’à faire pendre mon ami par un autre ami : le père Gwénaël, trappiste à la Trappe de Timadeuc en Bretagne. Le soir, au block, je trouve le père Gwénaël en pleurs, bouleversé d’avoir été dans l’obligation d’attenter à le vie de son camarade. Lui, le saint homme qui, par charité, connaît chaque jour la moitié de sa ration de pain pour soulager la faim d’un jeune. »
Yves Hamon – Témoignage – 2005